Entretien avec Isabelle Saint-Martin

Historienne de l’art et spécialiste des questions religieuses, Isabelle Saint-Martin est venue au collège Rameau pour nous rencontrer mardi 23 février. Après un atelier préparatoire en salle informatique où nous avons découvert des lieux de cultes partagés, Isabelle Saint-Martin nous a expliqué en quoi les trois monothéismes ont un imaginaire partagé. Pour cela, elle nous a montré de nombreuses œuvres d’art, nous a raconté de nombreux éléments de la Tradition. Elle a éveillé notre curiosité mais pour elle aussi cela a été l’occasion de découvrir l’étendue de nos connaissances !

Elle a eu l’amabilité de répondre aux questions d’Andreï et Marius

Quel est votre parcours ? 

« J’ai commencé par faire des études de sciences politiques et d’économie et puis finalement ça ne me plaisait pas alors j’ai changé et j’ai fait des études histoire de l’art puis j’ai axé mes recherches à la croisée de ces deux thématiques en essayant de comprendre la place de l’art dans une société. Je m’intéressais aux critères esthétiques. Selon les sociétés, selon les civilisations ces critères peuvent varier. L’histoire de l’art essaie de tracer des fils dans tout ça. On essaie de comprendre et de montrer comment ça a été produit, à quels moments et à quoi correspondent les inspirations… Est-ce que les hommes qui ont fait ça voulaient honorer une divinité ? Est-ce qu’ils voulaient honorer un roi ? Est-ce qu’ils voulaient se représenter ? Est-ce que des sources d’inspiration se répondaient ou se croisaient ? L’histoire de l’art essaie de raconter une histoire, des histoires autour de toutes ces productions.

Qu’est-ce que vous préférez dans cette discipline ?

Ce que je préfère c’est de tisser des liens entre les différentes époques. Ma spécialité c’est le croisement entre les arts et les traditions religieuses.

Pourquoi avez-vous accepté de participer au projet Kaléidoscope ?

Le point de départ de ce projet m’a beaucoup intéressé. La question de la coexistence, du partage des positions religieuses ou non religieuses… J’avais à cœur de vous présenter la manière dont l’architecture, les lieux, la mémoire symbolique se rencontrent, notamment à partir d’une ville particulièrement importante que vous croisez dans les cours d’histoire qui est Jérusalem. A Jérusalem cohabitent trois traditions religieuses qui ont des points communs et également des grandes divergences. Qu’est-ce qu’elles peuvent partager ? Qu’est-ce qu’elles peuvent avoir comme facteurs de division, voire de tension ?

Comment avez-vous trouvé nos classes ?

Réactive, vous aviez très envie de parler. J’ai juste regretté de pas avoir plus de temps pour vous écouter et pour pouvoir réagir à vos questions.

Vous avez plutôt l’habitude de donner des cours à des étudiants, en quoi est-ce différent ?

Ils sont beaucoup plus précis sur certaines questions, mais vous en savez aussi beaucoup !

Vous avez écrit des livres, participé à des émissions à la radio et à la télé sur l’enseignement de la laïcité à l’école ?

En effet, j’ai eu souvent l’occasion d’intervenir dans la formation des enseignants sur la question de l’enseignement de la laïcité et des faits religieux à l’école. En France, dans les écoles publiques, il n’y a pas de cours confessionnels religieux, il n’y a pas de cours de catéchisme. Donc la question est d’abord de savoir si, dans l’école de la République, on peut parler des religions ? Et, si oui, comment on fait pour en parler ? A partir de quel type de cours ? Avec quelle posture ? Bref comment, de manière laïque, on parle des faits religieux ? J’ai écrit un livre pour tenter de répondre à ces questions et aussi pour expliquer en quoi la médiation des œuvres d’art pouvait être utile.

Il y a beaucoup de débats autour de laïcité aujourd’hui, qu’en pensez-vous ?

La laïcité est un fondement de la République qui n’est pas tant débattu en tant que tel et tant mieux ! Qu’est-ce que ça veut dire en fait être dans une République laïque ?  Ça veut dire l’égalité de droit de tous les citoyens, quelle que soit leur conviction, qu’ils soient croyants ou non-croyants. C’est la liberté de croire ou de ne pas croire et d’être traité à égalité quel que soit le choix qu’on a fait. Il n’y a pas de privilège accordé à une option ou une religion. Je crois qu’il y a quand même un grand consensus sur cela. Ce qui est actuellement débattu ce sont les limites de la manifestation de cette liberté de croire et la place des affirmations religieuses dans l’espace public.

Est-ce que la République laïque est une exception dans le monde ?

Le mot « laïcité » est difficile à traduire dans les autres langues. Mais le principe de séparation, c’est-à-dire le fait que les religions n’aient pas de pouvoir sur l’État et que l’État n’ait pas de pouvoir sur les religions mais aussi le fait que les citoyens obéissent d’abord à la loi de l’État, on va le retrouver dans d’autres pays.

Nous vous remercions d’avoir pris le temps de répondre à nos questions.

Merci à vous !

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